dimanche 23 février 2014

Episode 40 : Héritage


Au début des Petites chroniques de la Foire du Trône mon père se demandât quelle nouvelle lubie m'avait piquée.

- Maintenant tu veux faire écrivain ?


- oui Papa


- Et ça va intéresser qui ?


Le soutien moral et la répartie appropriée sont indéfectibles dans notre famille .


Le scepticisme s'y glisse un peu trop souvent.


Mon père a passé toute sa vie à vouloir revaloriser notre métier et bien que la mention "industriel forain"soit inscrite en lettres rouges sur ses cartes de visites, il n'en garde pas moins un petit sentiment d’infériorité.



Notre vie intéressera qui?

Bah sans dire de conneries: je dirais en premier les forains?


Au début les 500 lectures de mon blog me rendaient immensément fière d’être allée à l'école.


Je n'avais pas la prétention de représenter les forains, je voulais juste laisser un souvenir à mes petites filles, qu'elles sachent que Mémé sait faire autre chose que des glaces dans son magasin de la plage et des canelés dans un petit chalet de Noël.


J'ai choisi de raconter ma vie de foraine semi-névrosée, apparemment vous: de me lire.


A l'approche des 40.000 visites je cherche maintenant à savoir qui sont mes lecteurs puisqu'aucun de mes amis du Trône ne sait faire fonctionner le lien à partir de son Iphone.


Enfin...c'est ce qu'ils me racontent.


- Alors Papa? 


- oui ma fille ?


- ça intéresse qui ce que j'écris ?



Les gens qui aiment notre métier.

Sauf que je disais des conneries: pas les forains en premier.

Ce que j'énonce dans mes chroniques sont quelques fois des vérités pas très reluisantes.


Et encore je suis sympa, je les enduits de guimauve et sucre à Pomme d'amour, c'est plus coloré.


Comme mes collègues n'aiment pas se faire chicaner...ils ne me calculent pas c'est normal.


En parlant de laisser quelque chose peut-être que Cassie & Mila poseront un jour les questions qui fâchent...



Qu'avez-vous fait de notre héritage ?

J'espère que j'aurais autre chose que les cartes de visites de Papy Dédé à leur donner qui rappellera ce que nous étions encore dans le début des années 2000 :


Des forains, des amuseurs, des commerçants itinérants, des gens du voyage, des circassiens, des citoyens sous évalués, des contribuables, des industriels, des inventeurs, des gens bien, des familles soudées, des casses-pieds dans les magasins, des bons clients dans les restos, des amis de la naissance jusqu'au départ...


J'aimerais laisser à mes petites filles des fêtes foraines rentables, un avenir sans montage de force, sans victimisation du métier, une vie faite de labeur et de récompenses. 


Aussi UNE FIERTÉ de la vie chaotique que nous menons, les tuyaux gelés, le courant en voie d'établissement, les terrains boueux, le banquier frileux, les fournisseurs peureux, les dimanches pluvieux...


La société nous renvoie le petit sentiment d'infériorité que ressent mon père de temps en temps, et pourtant...


Je voudrais savoir qui supporterait longtemps cet inconfort ?


bah nous !


Si la profession se serre les coudes je ne craint pas de donner en héritage à ma descendance ce que j'ai reçu à ma naissance:



Une Culture & des traditions 


 Pour l'héritage financier...Achetez mon livre !

mercredi 19 février 2014

Episode 39 : L'homme qui a vu l’homme,qui a vu l’homme,qui a vu l’homme qui a vu la Mama



Malgré la diversité du métier et des cancans journaliers qui finissent par me revenir aux oreilles, je suis parfois à court de sujet à traiter dans mes chroniques.

Parce que je dois me rendre à l'évidence, c'est l'hiver et l'hiver il ne se passe pas grand chose.

Les gens sont remisés dans les terrains, Facebook n'offre que des conneries à imiter, les fêtes sont inderrouillables, les riflots (ou les bohèmes comme moi) sont en vacances.

Alors après avoir critiqués pendant des années (surement par jalousie) tous ces faignants de forains qui n'avaient rien d'autre à foutre que d'aller passer l'hiver en Thaïlande, j'ai fait comme eux.

Enfin pas tout l'hiver ...

Sur place j'ai bien-sur aperçu ce que mes amis coincés en France pour diverses raisons appellent LE BAL FORAIN.

L'endroit où tous tes potes vont après le boulot.

Pas une plage sans un culbuto, pas moyen d’être incognito dans un Tuk-tuk :"Eh... Mario !!!"

Même quand je parle à des voisins de table français à qui je fait gentiment croire que je suis commerçante saisonnière sur Paris, j'entends mon cousin venant d'arriver leur dire : "Bonjour Léandre"...

Donc au bal forain de Phuket où il n'y aura ni tombola ni l’élection de la reine, j'ai revu des collègues que je ne vois plus faute de foire en commun.

Je ne boude pas mon plaisir, j'adore côtoyer ma race...attention pas toute ma race. 

Le point de chute à Patong c'est chez "la Mama".

Je ne connais cette endroit que depuis l'année dernière, ramenés là par d'autres forains.

Il n'était pas question d'écrire une chronique sur Phuket, je cache à ma caisse R.S.I les tampons sur mon passeport, alors on va dire que j'ai rêvé toute cette histoire.

A table avec Paty et Stéphane BIP! (eux non plus n'envoient pas de carte postale à leur caisse de retraite) je pose la question :

Pourquoi venons nous tous chez la Mama ?

- Parce que c'est B.V qui l'a connue le premier, il avait fait faire un calicot LA MAMA et c'est devenu le point de ralliement.

- Ah bon , Moi on m'a dit N.L ?

- Non c'est bien B.V c'est C qui me l'a expliqué.

Arrk, ça m’intéresse tout ça.

Aucune importance qui à découvert la Mama, il n'a pas découvert l’Amérique non plus.

Je trouve assez rigolo et voyageur de revendiquer la paternité d'un calicot au dessus d'une charrette thaïlandaise.

Sur la fête quand tu demandes qui à fait l'affiche publicitaire bizarrement personne ne s'en vante.

Une idée de chronique germe dans ma tête, je suis toute excitée: un forain à 5000 km de chez lui reste un forain.

Alors je mène ma petite enquête : Qui a rapporter le calicot réunificateur ?

N.L ? B.V ? entre dans la compet Stéphane Vancraeyenest (cité 3 fois)...

Au moment de donner la victoire à Stéphane Vancraeyenest ...je reçois un autre nom : P.K

Pour preuve, on m'explique que le premier calicot marquait:


LA MAMA C'EST LATCHO

Et là ça change tout.

J'ai enfin le nom de l'homme qui a vu la mama derrière sa charrette avant le tsunami, qui lui a créer une clientèle qui aime les bonnes bouffes entre copains et ne sont pas radins sur l’addition, qui a permis son extension dans un resto en fixe. 

Que ce soit Stéphane Vancraeyenest ou P.K ils ne verront malheureusement pas ce qu'est devenue la Mama thaï des voyageurs qui viennent au bal forain de Patong.

On n'y danse pas, on y boit un coup entre gens du même monde, les conversations sont les mêmes qu'à la brasserie de la foire...

Celui qui ne veux pas aller au bal changera de charrette.

Celui qui connait l'homme qui a vu l’homme,qui a vu l’homme,qui a vu l’homme qui a vu la Mama : envoyez moi un MP

dimanche 9 février 2014

Episode 38 : Par ici la banque !



Gigi l'amoroso...les premières notes s'élancent...tah tam,tah tam, tah tam, je vais vous raconter...

Lors du mariage de mes cousins Stiven et Aurelie, ma fille de 15 ans exécute devant une salle (familiale et ) attentive une magnifique imitation de Dalida.

Chez nous c'est comme ça, la seule demande officielle des mariés est de maintenir la tradition de banquiste de notre famille.

Les autres cousins perpétuent la mécanique de "L'automate" héritée du grand-père, comme leur père, comme leur oncle avant eux.

Lucie dû se contenter des motivations persécutions de maman.

Mon ado n'ayant connu que la confiserie parentale et les scooters familiaux sur papiers glacés, elle ne mesure pas la symbolique d'une fausse Dalida dansant sur un plat-banc de loterie.

Nos ancêtres étaient des loteurs.

D'ailleurs une des rares photos existantes de mon père gamin le montre en habit de clown vendant des tickets, perché à un mètre du sol.

"La tactique du gendarme" fût son hymne presque toute son enfance et si vous lui demander gentiment...à 76 ans mon papa saura encore imiter Bourvil.

Ne pas oublier d'en faire la demande au prochain repas des vieux.

La banque, la parade, le boniment, la lutte, les danses,le coup de casque, autant de traditions ancestrales disparues au profit de la modernisation des foires.  

Les jeunes ne connaîtront jamais la beauté et le frisson donnés par des artistes du micro beuglant leur baratin.

Je ne l'ai pas connu longtemps moi non plus.

La télé à grande échelle continuât de tuer le spectacle vivant, les forains préfèrent l'argent plus vite gagné.

Je les comprend.

Mon premier frisson de parade je le dois à la famille Becquelin.

Nous étions montés dans une petite fête de campagne avec une trentaine de forains, j'avais surement 6/8 ans.

C'était dimanche mes parents m'avaient collé au ramassage des tickets du petit manège, vite! vite! c'est le coup de bourre.

Gigi l'amoroso...les premières notes s'élancent...tah tam,tah tam, tah tam, je vais vous raconter...

Ça m’émeut toujours , 40 ans après.

Une belle brune aux cheveux long m’hypnotisât de longue minutes, mimiques langoureuses, regards amoureux, comment savoir à mon âge que la jolie fille en équilibre sur la loterie n'était pas Dalida ?

"- vite! vite! c'est le coup de bourre!"
Aucune importance, Dalida ou Gina ou Fréda, je n'ai jamais su son prénom chantait juste pour moi.

Ce soir c'est Lucie qui fait l'artiste.

En cadeau nuptial.

Elle ne connaîtra pas la vente des tickets de loterie, le regard émerveillé d'une gamine de 6/8 ans, seulement le regard d'un fier grand-père pour qui la fin de cette tradition est (peut être) une tragédie.




lucie

 loterie Campion


jeudi 6 février 2014

Episode 37: Darty, S.A.M.U and Co


Lauryne accouche dans une maternité qui n'a pas suivi sa grossesse.

Jusque là rien d’extraordinaire, suffit d'avoir la carte vitale pensez vous.

Suffit d'une consultation pré-délivrance de l'enfant roi, pensa-t-elle.

Non, suffit pas.

La sage femme affectée au confort de cette foraine gémissante, de son mari hurlant et d'une famille envahissant bientôt les couloirs de la maternité, cherche du regard les caméras de BFMTV.

Mais qui va naître ici ? Prince Georges ? Jésus de Paris 12 ? 

Naîtra aujourd'hui Princesse Rosalie , enfant entourée et choyée, connue et surveillée par 10/50/100 forains au gré des déplacements régionaux.

Admission faite, douloureusement niveau administratif :
" - Vous habitez dans le Loiret ? C'est qui votre gynéco ? Pourquoi vous venez accoucher chez nous ?

- ... Aïeeeeeeeeeeeee !!!!!!!!!!!! "

Bébé Rosalie pointe le bout de son nez, Papa imagine déjà la cuite monstrueuse qu'il va s'infliger, Nona et Papoum (1) encaissent la génération supplémentaire qui les poussent à 42 ans vers le 3ème âge.

Lauryne ressort de l’hôpital après 2 jours de farniente puisque le médecin pensent que son congé maternité a démarré depuis 2 mois...pas la peine d'expliquer au monsieur qu'elle sortait de la caisse de sa boutique.

Il est prévu que la sage femme passe faire les soins.
"- Vous habitez ou ?

- Foire du trône.


- C'est quoi l'adresse ?


- Foire du trône, Paris 12


- Je vais trouver comment ? Passez aux admissions !"
Que répondre ?

6 millions de visiteurs chaque année trouvent la Foire du Trône...mais pas la sage-femme.

Souvent elle n'est pas la seule égarée sur un champ de foire.

Mis à part le livreur de pizza qui adorera les forains gros consommateurs de spécialités locales (?), aucune autre corporation ne se donne l'envie de nous connaitre de plus près.

Le dépanneur de chez Darty arguera n'avoir pas trouvé la télé en panne de Mme Campion, alors que même les chiens de la place connaissent ma caravane.

Suffit de demander. 

Je ne sais pas si la sage-femme a trouvé celle de Lauryne.

Suffira de passer à la boutique.

Lauryne y est retournée, l'enfant roi trônant à portée de main.

En cas d'urgence si nous devons appeler le SAMU il restera 2 solutions:

Donner une position GPS ou prendre le livreur de pizzas en poisson pilote.




(1) Grands-parents



dimanche 2 février 2014

Episode 36: Culbutos et Berlutti




On est à la cantine, c'est à dire dans une des brasseries de la Foire qui se délecte de notre excellentissime clientèle.

Les forains mangent beaucoup, boivent beaucoup, payent facilement la tournée des copains.

Le patron (forain) nous reçois avec la déférence due aux billets de 50.

Je suis attablée avec un copain branque, un gentil gadjo en roulotte et pantalon de clown qui tente d'intégrer notre petit monde de saltimbanque.

Avec son regard encore vierge sur notre façon de vivre et d’appréhender les choses voyageuses, il est heureux de connaitre certaines "coutumes".

Après la lecture de ma chronique "Big bisous" il ne s’étonnera plus que ma tante recule légèrement au moment de l'au revoir ...

L’apprentissage commence à peine.

Donc à table, dès que mon copain gadjo peut en placer une (je suis connue pour être très bavarde), il me demande en désignant 3 hommes :
"- Ce sont des forains ?
- Ça se voit, ils marchent comme des culbutos (1) !
- ??? "
???
"- Tu vois bien que pour avancer ils se dandinent de droite à gauche, d'un pied à coté de l'autre ? Pas d'un pied l'un devant l'autre. Sur une plage en maillot de bain tu les reconnais les voyageurs qui se déplacent tous comme ceux-là "
Ou presque.
" - Oui maintenant que tu le dis..."
Nous guettons les 3 voyageurs se diriger vers le bar :

Clac-clac, pied droit-pied gauche, clac-clac, pied gauche-pied droit...et les mains dans les poches du blouson.

A l’arrêt devant le bar, le culbuto passe de droite/gauche à devant/derrière, clac-clac...toujours en mouvement.

Les hommes ne portent pas les signes distinctifs des femmes tels les pinces dans les cheveux , le Vuitton en bandoulière, quelques fois les sabots.

Non les hommes se déplacent en meute façon jouet pour tiknos (2).

N'y voyez aucun termes malveillants, la définition du Larousse peut vous rassurer mesdames, si je dis que vos maris sont des culbutos rien à voir avec les sorties nocturnes de certains.

Le patron de la cantine aime les culbutos aux poches bien fournies, mais pas son chien.

Le djoukel (3) sympathique reconnait toujours le voyageur à deux choses:

- Les (vraies ou fausses) Berlutti (4)

- Les discutions animées au verbes hauts.

La plupart du temps le forain se croit partout chez lui, dans les brasseries c'est plus visibles.

Tout le dérange.

Les enfants des autres qui courent partout, les clients qui mangent des saucisses/frites, le concurrent à qui il ne parle plus assis 2 tables plus loin dont il n'entend pas la conversation, le copain divorcé qui s'assoit juste à coté de sa femme... 

Le chien n'aime pas être dérangé par tant d'aboiements humains, et si ce n'était par amour du métier bien rémunéré, son maître non plus.

Mon copain gadjo en culotte de clown est très amusé par ma façon de regarder mon métier, d'y poser un œil critique.

Sachant que la critique fut inventée par les forains, j'en suis plutôt flattée.

Bienvenue dans mon monde Monsieur, celui du "m'a-tu-vu", des coups de gueules express, des amis qui se reconnaissent jusque sur les plages de Thaïlande ou devant les caisses des supermarchés. De ceux qui se serrent les coudes en cas d'urgence, qui pardonnent aux concurrents les pommes d'amour soldées.

Le lendemain mon copain branque me fit connaitre son monde à lui.

Un show-biz généreux, loin des paillettes et pourtant très connus, amis de cœur d'un grand escogriffe, clown en roulotte au physique de l'emploi.

Ce soir là deux mondes du spectacle extrêmement opposés se sont réunis dans la brasserie de la Foire.

Les culbutos ont joués de la guitare, les amis de Pascal ont apprécié le mélange des genres.

Le chien surveillait les Berlutti, le patron les billets de 50.







(1) Culbuto :Il s'agit d'un petit personnage dont la base arrondie est lestée de sorte que, même si le jouet est frappé ou renversé, il se redresse toujours et revient à la verticale en oscillant

(2) enfants

(3) chien

(4) Chaussures italiennes sur mesure