jeudi 3 août 2017

Episode 63 :Tous pour Moi ...plus toi...plus nous



Je ne suis pas de la génération snapchat, je suis de la génération qui a connu le journal rose, les infos de dernières minutes lues 17 jours après parution, les annonces des métiers vendus et revendus depuis longtemps et surtout le petit encart "livret de famille" avec les naissances/baptêmes/décès.

C'est pour cela que j'adore facebook. 

J'y trouve autant de vie de famille, de métiers à vendre trop chers, de reines qu'on a portées bébés, de contestations vaseuses, de grands discours qui n'auront pas connus les honneurs d'une poubelle ministérielle à qui ils étaient destinés puisque confinés à notre seule communauté de partage. 

Facebook c'est le journal rose Inter-forain qui passerait la 6eme vitesse.

Alors vu que c'est plus rapide que le bouche à oreille, quand nous sommes appelés par statut facebook en renfort d'une fête en péril nous n'avons plus l'excuse du "ah bah  j'étais pas au courant mon cousin".

Y a même des cas où nous n'avons pas le temps de nous organiser à prendre un rendez-vous en vitesse aux mines ou chez le dr Dufion qui nous assureraient un mot d'absence au réjouissant montage de force des copains.

J'avoue seulement ne pas me déplacer quand c'est très loin...méa culpa...on me l'a servi tellement de fois que j'ai le droit de reprendre cette excuse à mon compte.

Nous voilà donc pour la petite histoire, tels des Don Quichotte du 21 eme siècle, en route vers de nouvelles emmerdes professionnelles ne nous concernant pas personnellement.

Très franchement, qui va au charbon (voir au gaz lacrymogène) juste pour le plaisir d'en prendre plein la gueule ?

Les cons et Sancho Panza. Ainsi que d'autres valeureux qui pensent à leur avenir, ils ont raison, c'est normal.

Les petites batailles gagnées sur les terrains boueux valent autant que les grandes manifestations à courir devant des playmobil en bleu.

Don Quichotte y croit, Sancho Panza le suit, les autres valeureux montés à la capitale en Oui-bus  y gagneront des avantages concrets.

Facebook (le bleu) partage la colère et les appels à la mobilisation.

Facebook en Mp (le rose) partage la mesquinerie de petits esprits qui n'aiment pas enfiler l'armure des conflits armés pleins de bonnes volontés.

"ON" ne veut pas aller à la manif.

"ON" ne se sent pas concerné.

"ON" croit que tout se fait naturellement pour nous facilité la vie et le travail.

"ON" demande des comptes aux syndicats, mais "ON" n'est pas syndiqué.

"ON" parle comme les Lopez, mais agit comme Caliméro.

"ON" ne veut pas comprendre que le droit d'ancienneté est révolu grâce à la loi sapin 2, p'tetre bien que ça l'arrange.

"ON" ne sera pas sur la photo.

"ON" veut bien défendre sa place, mais surtout pas M.C qui a défendu la profession pendant 30 ans.

Facebook partage, des milliers de fois un cul nu sur un métier, quelques fois seulement le texte de loi de la mise à mort des forains sur les places publiques.

Allez comprendre. "ON" retient ce qu'il veut.

Et oui, les infos version Facebook bleu ou rose parviennent aux yeux des valeureux de toute part.

Au moins ces forains là répondront à leurs enfants :
"La manif pour les grandes longueurs ? J'Y ÉTAIS !"
"La mobilisation pour le taux de TVA à 5.5 % ? J'Y ÉTAIS !" 
"La manif inter-professionnelle de 2009 avec 5.000 forains ?  J'Y ÉTAIS !"
"La défense de notre métier en 2017 ? J'Y ÉTAIS !" 

En venant ce jour-là, s'il vient, "ON" défendra les forains dans leur globalité.

"On" se fera mousser sur Facebook comme au bon vieux temps du journal rose, moi aussi... parce que j'ADoRE ça.

Nous aurons peut-être une chance de ne pas devoir changer de métier.

Les Don Quichotte et autres héros des temps modernes seront contents...puisqu'au final : 

             IL N'Y A QUE LE RÉSULTAT QUI COMPTE ?




mardi 7 mars 2017

Episode 61 :Monsieur le directeur académique des services départementaux de l'éducation Nationale,





Mémé Corinne
Fêtes foraines de France 
Place de la fête
Partout en FRANCE


Monsieur le directeur académique des services
départementaux de l'éducation Nationale,
Madame la Ministre de l'éducation Nationale,
Monsieur le Président de la république,
Monsieur/Madame prochainement élu(e),


Objet: demande de NON-DÉROGATION de secteur scolaire


Mes petits enfants doivent effectuer leur prochaine énième NON-rentrée scolaire dans l'établissement dont dépend mon domicile.

Je ne demande pas de dérogation pour changer de secteur, je veux une NON-DEROGATION . Je veux que l'on prenne mes petites filles à l'école tout simplement.

Cependant, (je doit motiver la demande comme la lettre type me le recommande) étant en situation de S.D.F, comprenez par là "Sans Domicile Fixe" et non "Sans Difficultés Financières" il ne m'est pas possible d'inscrire puis de faire accepter mes gosses à l'école.

J'ai besoin de scolarisé mes petites filles au plus prés de mon travail.

La majeur partie des établissements scolaires dont dépendent mon travail et mon logement nomade me ferment la porte de l'éducation nationale au nez. 

Renseignez-vous, je ne vais pas faire votre boulot.

Ai-je oublié de vous précisez que nous sommes forains?

J'ai l'obligation (et l'envie) de scolariser mes gosses pourtant l'école de la république ne se sent pas concerné à intégrer 2,4,voire 10 mômes de forains pendant les 15 jours du passage de la foire . PARIS, NANTES, TROYES, METZ...

Toutes les excuses sont bonnes : pas de places, pas dans mon secteur, pas les bons papiers , pas envies ...

Il est vrai que le chef d'établissement à déjà fort à faire avec les absences prolongées des profs, alors l'absence des petits "manouchs" (terme péjoratif et pas pour mes beautés)...ça ne va pas l'empêcher de dormir.

Et vous Monsieur le directeur académique des services départementaux de l'éducation Nationale/Madame la Ministre de l'éducation Nationale/Monsieur le Président de la république/Monsieur ou Madame prochainement élu(e), le sort de nos enfants vous intéresse-t-il ?

L'obligation de scolarisation des élèves étrangers dans nos établissements s'applique, couverte par la circulaire 2002-063 du 20 mars 2002 qui garantie également la scolarisation des enfants étrangers sans papiers(sage décision). Dommage nous ne sommes pas concernés.

L'obligation de scolarisation et d'ADMISSION dans les écoles publiques des enfants non-sédentaires doit-être un sujet de vos préoccupassions.

Chacun se renvoyant la balle, les services scolaires municipaux, les directeurs d'écoles, l'inspection académique, le ministère (?), va-t-on obliger nos gosses à devenir footballeurs professionnels ? Chez moi il n'y a que des filles...l'avenir est compromis !

Blague à part,voyez-vous messieurs-dames:  j'ai fait cette petite bafouille sans correcteur d'orthographe. 

J'écris comme je m'exprime. Parce que moi j'ai eu LA CHANCE d’être scolarisée afin de choisir le métier qui me fasse rêver.

Le choix d'un autre avenir professionnel appartient à nos enfants.

Il est malheureusement entravé par la négligence ou le désintérêt de l'éducation nationale.

Les demandes de dérogation de secteur scolaire sont principalement accordées :
- aux élèves dont le domicile est proche de l'établissement souhaité
- aux élèves qui doivent suivre un parcours scolaire particulier
Pourquoi prendre ces exceptions pour excuses ?

Dans ces conditions, je sollicite auprès de vos nombreux services (où bons vouloirs) d'accepter ma demande de NON-DÉROGATION de secteur scolaire.

Je viens de lire sur Google (comme quoi ça sert l'école) :
Si aucune réponse n'est faite dans un délais de 3 mois, je prend acte que "silence vaut acceptation". 
Il nous restera le mois de juin pour récupérer une année à demi perdue.

Bien à vous, Messieurs-dames.

PS : Peut-être S.D.F mais cotisants R.S.I. Donc commerçant itinérants. 

Ci-joint mon Kbis en cours de validité + carte de commerçant non sédentaire + déclaration urssaf + livret de famille + ma carte vitale + ma carte d'électeur : de toute façon il manquera toujours quelque chose.



mercredi 2 novembre 2016

Episode 60 : Les torchons et les serviettes



Depuis que ma baraque de crêpes a perdu ses roues juste a coté du manège sédentarisé de mon amoureux et que notre caravane prend racine en terrain, je fréquente énormément de gadjés. 

Des gadjés en pagaille, des clients ,des fournisseurs, des voisins, des commerçants de mon quartier et des amis choisis.

Le dimanche soir au lieu de démonter mon métier sous les jurons-injonctions d'un mari-patron énervé, je sirote un mojito en compagnie de mes potes non nomades.

J'ai un peu l'habitude des conversations mixtes, quand 2 mondes tentent de communiquer dans la même langue sans se comprendre vraiment.

Comme un cousin bourré qui voudrait apprendre la vie à un abstinent "chrétien-baptisé", les mots pourtant audibles ressemblent à du charabia dont le sens évident échappe aux intéressés.

Donc, régulièrement le dimanche soir je sirote mon mojito et bois de manière attentive les palabres de chacun des invités autour de la table.

Des années de sous estimations foraines (enfin pour ma part) aidant, j'écoute tout un tas de points de vue sédentaires qui me passent quelques fois au dessus de la tête. 

Puisque sachant nous fondre dans la jungle urbaine sans nous faire remarquer, mon amoureux&moi opinons de la tête ou rions en cœur quand le moment s'y prête.

Pourtant nos hôtes Marc&Sophie sont sympas. Ils essayent de nous mettre à l'aise avec des sujets que nous pourrions avoir en commun.

Après tout... nous sommes des commerçants, des électeurs, des bons vivants comme eux ?

Mais peut-on sincèrement mélanger les torchons et les serviettes ?

J'ai appris depuis toujours chez les voyageuses qu'on ne lave pas dans la même eau les essuie-mains et les essuie-culs...(surement avant l'arrivée des machines a laver dans les camping).

Marc&Sophie ne sont ni l'un ni l'autre mais les préjugés des gadjés m'étonneront toujours.

L'apprentissage de nos "us et coutumes" s'avère long. C'est pas faute de vouloir comprendre notre façon d’être.

Je trouve que nous sommes assez tolérants mon amoureux&moi, ce qui n'est pas le cas de la copine-invitée-arrivée-éméchée de Marc&Sophie.

De l'autre coté de la table, l'antipathique copine-invitée-arrivée-éméchée dégueule un "c'est des manouchhhhes" digne d'un bon français des années Pétain, afin de justifié une histoire de jambon en charcuterie (je ne développe pas je n'ai rien compris non plus...) avec qui elle s'est prise la tête au boulot chez Leclerc.

Moi au bout d'un mojito je suis déjà bien moins tolérante que mon amoureux qui ne suit pas cette conversation.

- C'était pas des Roms ? (que je demande un peu vénère)
- Non , c'est de manouchhhhes !
- Tu sais il y a une grande différence ? Tous les voyageurs ne sont pas pareils (que j'insiste)
- Noooon, c'est des manouchhhes ! (je sens la haine)
- .... 

J'ai fermé ma mouille, demandé qu'on ne me serve plus de mojito pour éviter tout risque de baffes dans la gueule de la fille Pétain.

Je suis invitée par Marc&Sophie, c'est pas poli de retourner les tables chez les gens.

Mais moi je suis encore vénère, ce qui n'échappe pas à ma voisine de table qui m'invite par texto à ne pas répondre.

Elle me critique Mademoiselle Pétain ?...le mojito fait effet je prend le terme "manouchhhhe" pour moi...alors qu'habituellement je ne me sente pas concernée: je suis foraine.

Pour qui se prend-elle cette narvalie qui colle son chien jusque dans l'assiette sur la table et lui fait boire du Get27 à même le verre.

GLUP GLUP GLUP fait la langue du chien dans le verre.

Sache Mademoiselle Pétain que chez les "manouchhhhes" et ceux qui vivent en caravanes (là je m'y reconnais) : JAMAIS UN CHIEN NE LICHE LA VAISSELLE DANS LAQUELLE ON MANGE !!!!  

Comment voulez-vous que l'on se comprennent ?

J'apprend un autre dimanche soir (celui-là sans la conne qui est chez elle à terminer ses lettres anonymes) que les femmes sédentaires parlent couramment de leurs histoires de cul.

Bon, nous aussi ...des fois...quand les mojitos défilent...on n'est pas des arriérées !

Sauf que j'apprend que par "histoires de culs" elles veulent dire "histoires de positions" ou "orgasmes à la main ou à la b***".

.........euhhhhhhhhhhh

.........Non, non, perso, 20 mojitos ne me feront pas avouer à mes copines foraines si je préfère pile ou face.

On est pudiques chez nous.

Pour moi la scène la plus hard vécue restera une foraine chantant au micro "Annie aime les sucettes" regardant dans les yeux son homme lors d'un amusement à la Foire du Trône.

Quand je vous dit : les torchons et les serviettes ?

Et dire que les gadjés nous prennent pour les essuie-culs !

lundi 24 octobre 2016

Episode 59 : Le bon, la brute et le truand




Jeannot est un bon.

Un bon professionnel aussi .

Le premier ouvert sur la place, le dernier fermé. Le premier monté, le dernier parti.

Aucun retard de paiement aux caisses U.r.s.s.a.f, maladie, retraite, assurances.

Jeannot organise également ses petites ducasses en famille, donc entre personnes de confiance. 

Métier enfantin, pêche aux canard, cascades, grues, tir aux ballons, cette fête foraine impeccablement propre et bien tenue ravit les maires récalcitrants qui détestent les forains vu que c'est pas ce qui manque.

Jeannot nettoie sa place mais Jeannot fait des jaloux parmi ses congénères .

Parce ce que lui le jeannot né entre 4 murs fixes de parents fonctionnaires : les maires foranophobes l'adorent !

Tout est serieux, les engagements pris sont respectés et Monsieur le Maire peut parader aux bras de la reine des forains.

Jeannot n'est pas un gadjo qui volerait les places des forains pure souche, non c'est un forain adopté par mariage depuis 50 ans qui a réussi à coup d'heures de caisse, de convois, de service aux copains, de dépannage de nuit, de matériel impeccable et d'un sens aigu de l'évitement d'avec les gars comme Bébert.

Bébert est une brute.

Une brute qui revendique.

Le Bébert n'est pas un GADJO "!!!" alors il revendique ses aïeux voyageurs...

Le Bébert n'est pas un GADJO "!!!" alors il revendique aussi le droit d'arriver sur la place avec 4 jours d'avances...

Le Bébert n'est pas un GADJO "!!!" alors il revendique l'emplacement (4m) de pêche aux canards de sa grand-mère qui montait là en 1974 pour y coller un gros métier (20 m) ...

Comme la qualité première d'après Bébert est de ne pas être un GADJO "!!!"... le connaitre est du pain bénit pour les foranophobes en tout genre.

Il aime être une brute, j'ai bien peuurrrrr qu'il ne sache faire que ça. Et régulièrement il fait rigoler (ou presque) les personnes qu'il veut impressionner.

La brute nous fout la honte partout où il passe, d'ailleurs Jeannot et ses ducasses impeccables font profils bas " viens pas mon cousin, c'est indérouillable ici !"

Alors celui qui n'est pas un GADJO "!!!" revendique des pays plus loin...tant pis pour les autres.

Le mépris que cette brute de Bébert déploie à ne pas être un exemple sur la foire, n'a d'égal que la mauvaise fois de Bertrand.

Bertrand est un truand.

Un petit truand mais un truand tout de même.

La grande truanderie de Bertrand ne concerne pas la fraude fiscale.

Bertrand truande ses collègues et "amis".

Il les empêche de monter leur métier puisque sa caravane à l'italienne doit trop bouffé elle est plus grosse.

Il ne bougera pas d'un mètre s'ils sont emmerdés. Il ira chercher la brute de Bébert s'ils ont trop de gueule.

Bertrand ne paiera pas la pub sous prétexte que les affiches ne lui plaisent pas. Y aura bien "un guignol" pour payé pour lui. 

Il ne donnera aucun coup de main aux collègues qui tireront les tuyaux d'eau. Il partira dimanche soir avec les raccords-pompiers de toute la place.

Bertrand ne fait pas d'effort. Les vins d'honneur et inaugurations n'auront pas les honneurs de la présence de Bertrand, y aura bien "un guignol" pour licher la mairie et le comité des fêtes !   

Bertrand envoie les collègues la gueule en avant dans les manifs, il n'oubliera pourtant pas de vanter son propre courage en cas de victoire face aux CRS.

Le bon, la brute et le truand.

Le film de notre vie. Séance chaque semaine.

Au fait : Bébert et Bertrand encu**** les foranophobes (ils ne savent pas ce que ça veut dire mais dans le doute...) et là c'est un autre genre de film !









mercredi 28 septembre 2016

Épisode 58 : Mémoires



Ma grand-mère Mimi (ou la Mamy Dédette de mes cousins plus jeunes) qui était née dans une roulotte n'a pas fini sa vie dans son camping.

Dans sa petite maison de briques non plus.

Tant que son dernier compagnon , ce salopard d'Aloïs (Alzheimer le sournois) l'a laissée tranquille, a 80 ans passés, ma grand-mère Mimi ne nous quittait pas.

Elle remballait ses affaires et roulait son fil de courant toutes les semaines de convois.

Elle faisait la popote pour 10, gardait les plus petits,sortait les grands de la pension,remplaçait à la caisse.

Elle avait peur d'être un poids.

Au contraire mémère Mimi était surtout le béton dans lequel tous les membres de notre famille avaient figés leur bottes.

Plus tard et sans prévenir l'amoureux Aloïs emmena ma grand-mère loin de nous aussi vite qu'un tour de chenille, son dernier tour de manège dont nous nous serions bien passé.

Au jour de son décès restait à la la famille une petite maison sédentaire avec terrain, un camping froid et la chance de trouver un pied à terre urbain en région parisienne.

Elle était mon seul "grand-parent".

Elle ne m'a laissé que des souvenirs.

Les souvenirs communs des minots forains trimballants avec eux leurs vieux.

Ma mémère m'a appris à tenir la caisse, j'adorais monter en marche sur le plateau du "petit Orly", j'ai fait le pompon et fait chanter les gosses pas plus grands que moi sur les airs de cloclo ou Annie Cordy.

J'ai fabriqué des surprises ou des cannes pour sa pêche.

J'ai écouté ses histoires de fêtes foraines, elle qui avait grandi sur la foire du trône cours de Vincennes et n'avait pas fait un sou lors de son déplacement Pelouse de Reuilly.

 "j'ai abandonné la place , j'ai pas fait mes frais!" me disait elle quand 30 ans plus tard elle se promenait sur la plus belle foire de France.

J'ai appris l'entraide, le respect et le partage.

Mes cousins plus vieux ou mes tantes auraient d'autres souvenirs à raconter, eux qui l'ont connue encore jeune...quand elle s'appelait simplement Odette.

J'ai régulièrement des nouvelles de l'ex de Mamy Dedette...cet enfoiré Aloïs d'Alzheimer.

Il tourne toujours ("soi-disant" c'est Facebook qui me l'a dit ) autour des vieilles foraines qui ont encore dans la tête le patrimoine voyageur que nos petits enfants ne connaitront pas.

Le patrimoine oral s'éteindra, les vieux métiers partiront à la ferraille.

Peut être même que la profession disparaîtra, atomisée de l’intérieur par des générations sans mémoire.

Faites-vous des souvenirs des vieux tant qu'il est temps.




photo: Aurelie Borie

vendredi 15 juillet 2016

Episode 57: Ma nounou d'enfer



Le son est coupé, le silence tout doucement s'installe.

On entend juste quelques grincements de machines à vider et le calme sourd ressurgi après la tempête sonore de la foire.

Sortant d'un sommeil de plomb, l'armée de petits zombies aux cheveux hirsutes et tututes en avant reconnait aussitôt le moment du retour à la caravane.

C'est ainsi depuis des générations, le bruit du travail parental nous endort, le silence nous réveille.

La berceuse des boum-boum-boum et des "à tout les coups on gagne" nous enchantent, les cris d'horreur venant du train fantôme nous plongent dans les bras de Morphée.

De la maternité au couffin posé sur le plaban jusqu'à l'entrée en primaire ,nous ne connaîtrons pas la crèche.

Nous connaîtrons les boniments par cœur, tendres mantras relayés d'un micro à l'autre.

A défaut de compter les moutons, Jolie Lou (2 ans) allongée dans son parc compte les peluches manquantes de la baraque, Maxime(4 ans) installé dans le centre du manège comprend la mécanique du carrousel, Izzie et Robbie (3 et 5 ans) nichés entre 2 vitrines surveillent les clients indélicats des cascades.

En attendant de ramasser les tickets ou de savoir tourner une crêpe, les biberons se prendrons dans le stand, sans choquer personne.

Moi aussi J'ai dormi sous le comptoir de la caisse du petit manège les gros dimanches de mon enfance.

J'ai dormi sur le sol de la caisse du skooter les samedis soirs après le feu d'artifice.

C'est une ambiance formidable, que peu d'enfants sédentaires connaissent.

Qu'importe s'ils veillent tard, qu'importe si demain c'est école. Seule compte la voix de leur parents qui tiennent le métier.

A 50 ans j'ai encore besoin d'un bruit de fond pour m'endormir.

Je m'imagine redevenue petite fille, recroquevillée aux pieds de ma mère, un dimanche qui s'éternise, ma mère qui bosse depuis des heures...

C'est un doux souvenir.

... Je m'endors 




dimanche 22 mai 2016

Episode 56 : Les yeux de la Mémé



" Lilou "

Je l'aime ma mémé. Aujourd'hui je me fais belle, c'est son anniversaire.

Je crois qu'elle est très vieille ma mémé.

Elle m'a dit qu'un jour elle était petite et que c'était des chevaux qui tiraient sa roulotte.

Alors j'ai dit :
- C'est quoi une roulotte ? 
- C'est un camping ma p'tite ou une caravane. 
- Ah bon mémé , y avait pas d'auto ?

Ça l'a fait rire et moi aussi.Parce qu'elle est belle ma mémé quand elle rigole.

Dans son petit camping y a plein de photos de nous et de son mari et de son fils qui sont morts.

Des fois ma mémé elle dit qu'elle veux allez habiter avec eux. Et puis après elle rigole alors je ne la croit pas.

Pourquoi elle irait habiter ailleurs de chez nous ? Y a aussi de la place chez Tata Stéphanie, ou Mamie Christine.

Le petit camping de ma mémé il prend pas de place et nous on a des autos pour tirer la vie de ma mémé.


"Charlotte"

Arlette c'est mon arrière-grand Mémé.

Je vis avec elle, elle vis avec nous, j'ai la chance qu'elle connaissent mes enfants.

Mes enfants l'adorent elle rigole tout le temps ma vieille d'amour. C'est une gamine dans sa tête.

Depuis la naissance de la Lilou elle nous suit sur les places.

Avant elle vivait avec ma grand-mère chez ma mère.

Une histoire de famille soudée chez nous. 3 générations de femmes sous un toit roulant.

Seulement ma grand-mère est tombée malade et en peu de temps l'état de Mémère Simone c'est détérioré.

Le docteur à prévenu : c'est dangereux de garder une personne Alzheimer en caravane, il faut la placer en maison.

Ma mère et mes tantes ont pleuré toute les larmes de leur corps.

Comment leur faire comprendre que ça n’avait rien d'un abandon ?

Depuis je m'occupe de ma vieille d'amour, ma mémé Arlette.

C'est un soulagement de la savoir en forme, j'en profite a plein temps.

Elle m'a élevé quand mes parents faisaient les fêtes trop loin de l'école. 

Je l'en remercie de l'éducation qu'elle m'a donné...de l'exemple de courage qu'elle donne à notre famille.

Joyeux anniversaire ma vieille.


"Christine"


Ma grand-mère a 100 ans !

Une source de vie, de bonne humeur, une femme de courage !

Elle a été veuve à l'age où j'ai divorcé, elle a été la femme d'un seul homme, moi j'ai essayé de profiter de la vie !

J'ai encore le souvenir d'avoir souvent aidé ma mémé (j'avais 6/8 ans) à tenir la pêche à la sciure.

On fixait les pochettes cadeaux confectionnée en papier journal avec du fil de fer et une pince à linge.

Un petit métier forain pour femme à la retraite qui ne voulait dépendre de personne.

Je la remercie d'avoir garder mes enfants, sinon ils auraient connu la pension.

Quand ce sera mon tour, le plus tard possible (?), mes petits enfants pourront-ils me garder avec eux ? 

Leurs conjoints seront-ils compatissants avec moi ou devrais-je connaitre la maison de retraite comme ma mère ?

Allez, justement je vais chercher la mère, nous allons faire très plaisir à ma mémé.


"Simone

...



"Arlette"

J'ai 100 ans ce matin.

Mes p'tits m'ont préparé une surprise.

La surprise je la connais on ne la carave pas la vieille !

Ils ont prévu de réunir toute ma famille, tous mes p'tits ensembles ça me fera plaisir, j'en meurs.

Ils sont dans tous les pays du nord ou du sud de la France, à gagner le sou ma race.

Une belle famille aimante, gentille avec moi.

Je trottine encore un peu, du coup ma Charlotte me garde encore vers elle. Elle a bon cœur la gamine.  

J'ai encore toute ma tête de pioche aussi...pas comme ma grande la Simone... J'ai de la chance...ma pauvre Simone a tout oublié de nous.

Ma bonne Charlotte n'a rien pu faire pour elle, ni personne d'autre de vers nous.

C'est pas honteux zinda, ça la vie qui veux ça, ma Simone est placée malheureusement. Que des pleurs cette histoire d'alzeimer. Encore un malheur dans ma longue vie.

Je l'aime ma Simone, "ma nuit de noce" que je l'appelais.

J'en ai eu 3 autres des enfants, qui m'ont fait des petits-enfants et des arrières petits enfants.

Mon mari que j'ai perdu, mon garçon après lui. La vie de veuve sur le voyage, pas facile.

Mais j'ai tenu bon.

Mes p'tits ils se rendent pas compte comme c'est plus facile de nos jours.

Avec mon homme on montait le tir dans les fêtes de 3 jours , qu'ils appellent comme ça maintenant !

Nous c'était des fêtes de 5 jours ouverts avec 2 jours pour le montages et le démontage ! ah et pis la route aussi !

Les barraques elles étaient pas sur les roues et les plaques de fond du tir en acier nous arrachaient les bras tellement c'était lourd.

C'est mieux pour eux la vie plus facile, mais quand ils me disent "Mémé on n'a pas le temps" ...eh ben je rigole !

J'ai connu l'ancêtre du frigo moi ! le pain de glace ramené par le gadjo du village. On mettait ça dans des caisses avec la viande dessus.

Quand je raconte ça , les petits ne me croivent pas.

Qu'on avait pas de chauffage non plus dans la roulotte où on vivait à 6.

Où on était heureux.

Moi j'ai toujours mis mes enfants à l'école, on faisait ce qui fallait on voulait pas qu'ils soient sans instruction.

Je fais la vie quand ma Charlotte met pas la Lilou et son petit frère à l'école.

De mon temps on savait juste compter et on avait du culot.

J'ai peur pour l'avenir de ma descendance,je leur veux d’être heureux sur les cales des métiers.

Ce soir c'est moi qui va être heureuse entourée de ma race, je suis sure qu'ils vont faire venir ma Simone.

On fera des photos que j'accrocherais avec celles du Papoum.

Le bon dieu qui m'a garder jusque là j'y demanderais de m’éteindre dans mon camping.

Soyez pas triste c'est mon anniversaire.

Ce soir si mes tout-petits me posent des questions je serais très très contente de raconter ma vie.

La Lilou et ses cousins feront les yeux ronds, comme ils me croivent pas...

Je passerais une jolie journée parmi les gens que j'aime et que j'ai aimés.



Merci à Vladia Charneux de m'avoir prêté la photo et inspiré cette histoire qui n'est pas la sienne.